Des NO3 pour éliminer les cyano partie 2


Dans la première partie de c’est article nous développions la théorie selon laquelle la croissance des algues indésirables (diatomées et cyanobactéries) pourrait être dans certains cas relationné avec une carence de nitrates.
Pour commencer nous analyserons le fonctionnement de l’aquarium comme un écosystème ou une série d’organismes luttent pour survivre. Par la suite il sera décrit comment réussir à changer l’issue de cette bataille en modifiant légèrement un des paramètres, la concentration en nitrate.

Lutte pour la survie

Dés la mise en route du bac commence la lutte pour la survie dans laquelle certains organismes seront capable de s’imposer alors que d’autres se trouveront dans l’incapacité de s’adapter et finiront par disparaître. Cette lutte se livre sur plusieurs fronts : la lutte pour les nutriments, la lutte pour l’espace, celle pour la lumière, la lutte chimique etc…

En général, des paramètres stables et proche des valeurs rencontrée sur les récif favoriseront le développement des organismes supérieurs (coraux) alors qu’une instabilité et/ ou des valeurs extrêmes de ces paramètres seront plus favorable à des organisme ayant une meilleure capacité d’adaptation comme les algues. Cependant il est relativement courant de voir des aquariums ayant  “des paramètres idéaux” qui présentent un mauvais  état (des algues, problème de nécroses …), tandis que des aquariums ayant des paramètres en dehors des valeurs recommandées affichent eux un parfait état de santé.

La raison est  que l’aquarium est un écosystème dynamique qui s’auto-équilibre, et dans lequel les organismes s’adaptent, son état dépendra plus de son évolution que des valeurs des paramètres …Une fois l’équilibre établit, les variations seront plus importantes que les valeurs concrètes.

Il est possible d’intervenir sur le système en altérant un ou plusieurs paramètres de manière à modifier l’équilibre des forces en favorisant ou en nuisant à des organismes déterminés mais il ne faut pas procéder à des modifications brutales afin que les tendances se modifient et que puisse s’installer un nouvel équilibre.

Bataille pour les nutriments

Dans les aquariums récifaux, on trouve normalement des concentrations en nutriments très basses qui devrait entrainer une croissance réduite des algues du fait d’une disponibilité réduite en nitrates et phosphates. Les concentrations en nitrates et phosphates ne sont pas indépendantes. Dans la majorité des océans, il se maintient une proportion de N/P=16 (proportion de Redfield [1 ] ). La raison semble être dans la réaction chimique qu’il a lieu pendant la photosynthèse :

106 CO2 + 16 NO3- + HPO4- + 122 H2O + 18 H+  —> C106H263O110N16P + 138 O2

Réaction dans laquelle se trouve la proportion entre le carbone (C) l’azote (N) et le phosphore (P) soit C :N :P=106 :16 :1

Il semble raisonnable de penser que si la proportion de Redfield est basse (peu de nitrates ou beaucoup de phosphates), cette réaction se trouvera limitée par l’azote disponible, tandis que si elle est haute elle se trouvera limitée par le phosphore disponible.

A ce stade il ressort que les algues qui sont capable d’obtenir des nitrates à partir de l’azote gazeux (N2) et bien que disposant d’une quantité illimité, verront leur développement limité par la quantité de phosphore disponible, tandis que les autre formes  se trouveront  limitées par l’azote disponible sous  forme des Nitrates ou de  l’ammoniac.

En [2] vous trouverez une expérience  ( en eau douce  ) ou est analysé la croissance de diverses algues et plante en fonction de la proportion de Redfield

La tendance actuelle dans les aquariums tend vers des concentrations très bases en nitrates surtout dans ceux comportant beaucoup de pierres vivantes ainsi que ceux équipé des DSB.

Cependant, les phosphates eux ne sont pas traités dans la totalité et beaucoup sont accumulés dans les pierres ainsi que dans les couches de sable. En situation de carence de nutriment les algues superficielles (cyanobactéries) peuvent utiliser ces derniers comme nutriment.

Ceci est la raison pour laquelle il est pratiquement impossible de lutter contre les cyanobactéries en éliminant les phosphates car bien que ces derniers ne soient pas présents dans la colonne d’eau, ils le sont dans les pierres mais aussi dans les couches de sable. Hors les cyanobactéries, sont capables de les utiliser directement via un enzyme qu’elles sécrètent [3] .

Correction du taux de nitrate

Deux aquarium de volume identiquement (200 litres)  furent installés de manière similaire (hormis l’écumeur ) Le bac 1 était écumé par un BBK 300. Le bac 2 via un H&S 110-f2000.

Les mêmes colonies furent fragmentées et implantées dans les bacs avec les mêmes expositions. Un ban de 20 chromis fut installé dans chaque bac

Le volume net dans le bac 1 était de 240 litre et de 180 litre pour le bac 2. La différence venant du besoin d’une hauteur d’eau plus importante dans la décantation pour faire fonctionner le BBK

Au 3 eme mois, dans le bac de test 1, les niveaux de nitrates se situaient bien en dessous du seuil de détection des test usuel (< 0,1 ppm ) pour un taux de phosphates stable à 0,075 mg / litre. Tous les autres paramètres se situant dans ce qui est considéré comme la norme et ce pour une salinité de 36,5 gr / litre. Ce bac fut  à compter du 4 eme  mois totalement envahis par les cyanobactéries.

Le bac 2, lui affiché un taux de NO3 de variant de 4 à 7 mg/ litre pour un taux de PO4 < 0,025 ( ce taux plus bas s’explique certainement par le développement des algues supérieures qui utilisent plus les PO4 minéralisés) vi les algues supérieures se développer à tel point qu’il était nécessaire de les élaguer tous les 10 jours. On pouvait dans le bac 2 noter la présence des cyanobactéries au niveau de la surverse. Cette souche ne s’est jamais développée durant toute la phase de l’expérimentation ( 2 ans ).

Les actinodiscus n’ont pas parus incommodés. Tout au plus, il a été noté une nette diminution de la croissance. Les Algues supérieures comme Caulerpa racemosa et Caulerpa prolifera quand à elles avaient pratiquement disparues du bac.

Seul les coraux comme Acropara.sp, montipora.sp eurent une phase normale de développement jusqu’au moment ou les cyanobactéries  commencèrent à les « coloniser ».

Dans le bac 2, les coraux mous colonisaient rapidement le décor. Les xenias étaient même relativement gênantes. Une particularité fut aussi au niveau des polypes des SPS. Ils étaient contrairement au bac 1 totalement déployés dans le 2

Cette situation fut maintenue durant 10 mois. Durant cette période fut testé toutes sorte de méthodes visant à éliminer les cyanobactéries, comme, de gros changements d’eau, modification du brassage, ajout de permanganate de potassium afin d’influer sur le potentiel redox etc.

Au mieux, il fut noté une régression momentanée (24 heures) puis à nouveau un développement explosif.

Sur les derniers mois, de l’eau et du sable furent prélevés dans le bac 1 et ajouté dans le bac 2 afin de voir s’il était possible de forcer le développement des cyanobactéries dans la cuve 2. Rien n’y fît.

Me basant sur la théorie commentée dans la première partie de cet article, j’ai donc décidé  d’augmenter la concentration en Nitrate dans le bac 1 afin de favoriser le développement des algues supérieures mais aussi des coralines et autres organismes.

La première étape fut de couper l’écumeur du bac 1 sans modifier rien d’autre et en conservant la même fréquence d’alimentation. En 96 heures, alors que les nitrates passaient d’un taux <0,1 à 0,5 il fut noté une forte diminution des populations de cyanobactéries.

35 jours plus tard, elles avaient quasiment disparus du bac. Le taux de NO3 lui se situait à 1,20 mg/litre (point intéressant celui des PO4 était inchangé). Les colonies de zooanthus se stabilisèrent en même temps que fut noté le développement des 2 souches de caulerpes.

Il fut noté aussi des traces d’ammoniac durant les premières 48 heures certainement dues à une population bactérienne insuffisante pour absorber les nutriments normalement exportés via l’écumeur. Dans le cas de l’expérience cela n’a aucunement entrainé de perte ni au niveau des sps ni des poissons. Néanmoins il semble préférable de prendre ce point en compte.

A se stade, l’écumeur fut relancé (en même temps qu’un gros changement d’eau). Il fallut moins de 60 jours aux cyanobactéries pour reprendre le dessus.

Vue le temps nécessaire au bac pour réagir, il fut alors décidé de relancer l’expérience  en ajoutant directement des nitrates au bac. Pour ce faire, le choix fut porté sur l’ajout de Nitrate de potassium.

Il aurait été possible d’utiliser du nitrate d’ammonium plus facilement disponible. Cependant, la présence d’ammoniac durant la phase expliquée plus haut, ma conduit à ne pas choisir ce produit. En effet, l’ammonium est instable et peu rapidement sous l’action d’une remonté de PH se convertir en ammoniac. Le risque ma parut un peu trop important et surtout difficilement quantifiable.

De plus lors de la sortie des premier BBK en France, les post concernant une carence en potassium étaient très courants. Le nitrate de potassium présentait donc le meilleur compromis (cf ci-dessous)

 

  • L’ajout de NO3 via le nitrate de potassium n’entraine pas les poussées d’ammoniac noté plus haut
  • Il ne peut y avoir d’augmentation des phosphates ou d’autres résidus organiques
  • On peu contrôler facilement la quantité de NO3 ajouté ainsi que la concentration dans un bac
  • Apporte une source de potassium semblant manquer dans les bacs fortement écumés.

Pour Calculer l’apport en nitrate il faut tenir compte  que pour chaque 100 gr de nitrate de potassium (KNO3) vous ajoutez 61 gr de Nitrates. La solubilité du nitrate de potassium est de 316 gr par litre à 20°c.

De cette manière, il est facile de savoir de combien on augmente la concentration en nitrate dans l’aquarium. Le potassium est un autre élément nécessaire qui semble lui aussi être retiré par les écumeurs.

Dans cette phase, l’augmentation par ajout de nitrate de potassium fut progressive et échelonnée sur 14 jours. Des les premiers ajouts, fut noté la stagnation  des cyanobactéries. Rapidement, les coralines commencèrent à coloniser les surfaces ( traces d’implantation sur les vitres ), les caulerpes reprirent leurs croissance. En 20 jours les cyanobactéries furent totalement éliminées (hormis une souche qui resta stable comme dans le bac 2    dans la surverse )

Le taux fut maintenu entre  1,5  et 2 mg/litre durant 5 mois. Durant cette période,  Les colonies de zooanthus reprirent une grande forme. Pachyclavularia se développa très rapidement en colonisant le moindre support  trouvé.

Les SPS perdirent dans un premier temps leur coloration. Ceci certainement du à une augmentation rapide des zooxanthelles mais aussi à «  l’épaississement de leur tissus » (à ce jour, la coloration est bien revenue)

Dans le bac 1, Les effets sur les coraux variaient en fonction du type de corail. Les plus affectés furent les coraux mous. Les zooanthus, Pachiclavularia étaient en complète récession. Xenia.Sp et anthélia avaient quand à eux disparus complètement.

Afin de vérifier cette théorie, les ajouts ont été à plusieurs reprises stoppés puis repris. Les constatations restent systématiquement les mêmes.

En définitif, ces petites expériences semblent confirmer la théorie énoncée dans la première partie de l’article et démontrent que l’apparition d’algues comme les cyanobactéries et les diatomées n’est pas forcement due à un excès de nutriments mais peut aussi être le résultat d’une carence en nitrates.

Conclusions

Tous les êtres vivant nécessitent une source d’azote. Dans l’eau, elle se rencontre sous plusieurs formes. Le nitrate reste dans la majorité des aquariums la forme la plus commune. Une carence en nitrate peut porter préjudice à certains organismes

La concentration en nitrate d’un aquarium stable dépends de la manière ou s’établi l’équilibre. C’est-à-dire de comment s’équilibrent les nitrates apportés et ceux retirés du milieu. On rencontre là trois possibilités.

  1. ·Nitrates apportés > nitrates exportés : l’équilibre se maintient alors via des changements d’eau (concentration haute)
  2. · Nitrates apporté = nitrates exporté : le développement de certains organismes est limité. Les variations sont compensées par des variations de développement et de colonisation  (concentration basse).
  3. ·Nitrates apportés < nitrates exportés : dans ce cas, disparition de certains organismes au profit d’autre plus adapté au situation résultant d’une carence en azote.

Dans les aquariums récifaux, c’est normalement la situation N° 2 qui prédomine. Dans cette situation, les variations de la concentration en nutriment sont généralement compensées par un meilleur développement des algues supérieures opportuniste (filamenteuses) ce qui conduit généralement à la mauvaise conclusion que les populations d’algues indésirables sont systématiquement dues à de forte concentration en nutriment.

Les cyanobactéries sont des bactéries et non des algues. Elles seront toujours présentes dans un bac. Normalement dans la  lutte pour la survie , elles ne pourront pas prospérer tant que d’autres organismes plus développés veront leur développement favorisé.

Par contre dés que ces organismes ne se développeront plus voire disparaitront alors, les cyanobactéries mieux adaptées à l’utilisation de l’azote sous d’autres formes que les nitrates se mettront alors à prospérer. Leur plus grande arme, leur rapidité de multiplication et d’adaptation aux conditions du milieu.

De leur capacité s’adapter à tout type d’éclairage, tout type de brassage, à obtenir les nitrates directement de l’azote dissout et/ou du couple Ammonium/ammoniac  pouvant, de plus  utiliser directement le substrat comme source de phosphate ( via un enzyme quelles sécrètent ) elles se révèleront donc très difficile à éliminer

Les concentrations en azote et Phosphore ne sont pas indépendantes. En fonction des proportions relative, l’une ou l’autre sera le facteur limitant. Dans la situation 3, la croissance des organismes sera limitée par la carence en azote disponible sous forme de nitrate favorisant alors le développement des cyanobactéries mais aussi des diatomées.

En situation 3, Il est démontré que l’augmentation du taux de nitrates permet de sortir d’une situation quasiment irréversible ou les cyanobactéries avaient totalement envahi l’aquarium alors que les nitrates et phosphates étaient quasi indétectables.

Remonté les nitrates en retirant l’écumeur ou en augmentant la quantité d’alimentation peut conduire à des problèmes comme l’augmentation ou plutôt l’apparition d’ammoniac dans le bac. Lequel pourrait entrainer la perte de certains organisme (invertébrés, poissons… ) .

De ce fait, il est plus souhaitable de procéder à l’augmentation du taux de nitrate directement par ajout de Nitrate de potassium ( KNO3 ), plus efficace et surtout plus contrôlable

Pour terminer, il ressort que les nitrates, bien que pouvant poser problème ne sont pas forcément le grand ennemi des aquariums, mais peuvent dans certaines situations être un précieux allié

Fsenegas

Bibliographie


[1]  The Redfield Ratio

[2]  Free of algae with Readfield Ratio, a no-sense fight against algae
[3] The influence of organisms on the composition of seawater. In The Sea, Vol. 2, (Ed. M.N. Hill), pp 26-79. (Wiley Interscience: New York) ». Redfield, A.C., Ketchum, B.H., and Richards, F.A. (1963).

4] Nixon, S.W. 1981. Remineralization and nutrient cycling in coastal marine ecosystems. Pp. 111-138 in B.J. Neilson & L.E. Cronin (eds.) Estuaries and Nutrients. Humana, NJ

http://www.futura-sciences.com/tag_kno3.php

Un commentaire sur “Des NO3 pour éliminer les cyano partie 2

  1. Pour moi le meilleur article sur le sujet. Pour l’avoir appliqué de nombreuse fois, cela aura fonctionné dans mes bacs a tout les coups. J’ajouterais juste une condition a respecter pour que le principe fonctionne, ne pas avoir un PH chroniquement « trop bas » a savoir maintenir 8 / 8.2 plutôt que 7.8 / 8, avec un KH de l’ordre de 6-7, autrement dit un taux de « Co2 dissout » pas trop élevé.

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